Une architecture terrestre

Conférence
mercredi 28 sept / 18h

Une architecture terrestre : revenir ancrer l'architecture dans la matrice du vernaculaire ?

Salima Naji
architecte, docteure en anthropologie sociale




« Autant d'intelligences qui ne sont pas du domaine de l'exactitude, mais du côté de la pratique : incertaines, approximatives, distantes de la sagesse contemplative. À ce titre Platon les condamne, par la distinction qu'il fait du mesurable, « qui peut seul faire partie de la science exacte, de l'épistèmê, et appartenir au domaine de la vérité » et de l'incertain. Séparation est ainsi consommée, entre les productions qui ressortissent au calcul et à la mesure et d'autres aux savoir-faire. L'architecture échapperait-elle  à l'ostracisme dans lequel il tient les procédés (des artisans), les opinions (des médecins), l'habileté (des sophistes et des rhéteurs) les côtés rusés et souples où l'intuition va de connivence avec le coup d'oeil et le sens de l'opportunité ? » 
Henri Gaudin, La cabane et le labyrinthe, Mardaga A+R, 2000, Liège.

En partant de l'ancrage dans le local, de la matérialité de toute construction et de ses contraintes, de la pratique dans ce qu'elle exige de tâtonnements et de réflexions, il sera question de proposer avec les étudiants une reflexion sur une architecture terrienne refusant le hors-sol et l'artificialisation du monde : une approche privilégiant l'humain et des pratiques constructives qui conviennent aux Hommes sur la surface terrestre... Toute forme qui puise dans une matérialité qui ne passe pas nécessairement par les mâchoires des logiciels mais par la connaissance du matériau, par une adaptation à un climat, à des besoins, dans un territoire ou un finage précis. Il sera question de la pratique du relevé comme mode d'appropriation d'un site et des arts d'édifier, de présenter une approche où la question de la préservation des architectures patrimoniales est omniprésente certes, mais où la question du "vernaculaire" est problématisée. Naturellement, la responsabilité de l'architecte dans la mise en oeuvre d'un monde soutenable sera discutée à travers une dizaine de projets livrés essentiellement dans le Sud marocain.


BIO
Architecte DPLG (École nationale supérieure d'architecture de Paris-La-Villette) et docteure en anthropologie sociale (École des hautes études en sciences sociales à Paris), Salima Naji est engagée dans de nombreux projets de protection du patrimoine oasien. Elle fonde son agence au Maroc en 2004 afin de proposer une alternative constructive privilégiant les technologies des matériaux premiers et biosourcés dans une démarche d'innovation respectueuse de l'environnement. Elle a construit à ce jour une trentaine de bâtiments bioclimatiques en terre ou en pierre dans le Sud marocain. Pionnière, elle contribue par son plaidoyer (presse, exposition, publication) à participer à une évolution du code de l'urbanisme vers une utilisation progressive de la terre crue.
 
Anthropologue, elle a consacré de nombreux ouvrages aux patrimoines bâtis du Sud marocain dans leur dimension intangible éminemment sociétale. L'intervention sur le bâti rural ancien convoque des institutions vivantes à revitaliser, et non pas une énième momification patrimoniale. Sa pratique est doublée d'une activité scientifique dans de nombreux programmes de recherche-action internationaux qui interrogent la durabilité et la relation profonde entre les sociétés et leur environnement. Elle est une spécialiste reconnue des patrimoines bâtis auxquels elle a consacré de nombreux ouvrages. Membre du comité scientifique du Musée berbère du Jardin Majorelle depuis sa création en 2011, elle développe une réflexion sur la médiation culturelle et la transmission du patrimoine.
Shortlist de l'Aga Khan pour les cycles de 2022 et 2013, elle est chevalière Arts & Lettres.

Mardi 28 septembre, Salima Naji était l'invitée de Mathieu Vidard dans l'émission La Terre au Carré sur France Inter dans le cadre du festival international de géographie organisé à Saint-Dié-des-Vosges.
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