Cette recherche porte, d'une part, sur l'étude du statut et des pratiques professionnelles des architectes ordinaires des monuments historiques, notamment sur leur rôle dans la sauvegarde des édifices protégés ; et, d'autre part, sur la manière dont les mesures prises par le service des monuments historiques sont reçues et mises en oeuvre à l'échelle locale. La fonction d'architecte ordinaire des monuments historiques est créée en 1897, à la suite d'un rapport rédigé par Henry Roujon (1853-1914), directeur des beaux-arts, et adressé au ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Imaginés comme les seconds des architectes en chef, ils sont chargés de la direction des travaux d'entretien et de la surveillance des travaux de grosses réparations. Aujourd'hui, l'histoire de ce groupe professionnel, dont les architectes des bâtiments de France sont les héritiers, demeure méconnue. En effet, l'écriture de la sauvegarde des monuments historiques se fait au profit de quelques figures ou se concentre encore largement sur les initiatives nationales, au détriment des démarches locales et de la réception des politiques patrimoniales sur le terrain. Cette recherche repose sur une analyse prosopographique d'une cohorte de 455 individus. Cette première enquête est complétée par l'analyse d'un sous-groupe constitué de 19 architectes ordinaires ayant exercé dans les départements de la Meurthe-et-Moselle, de la Meuse et des Vosges, entre 1897 et 1945. Ce corpus restreint permet d'examiner, à une échelle régionale, les pratiques professionnelles de l'architecte ordinaire, depuis la mise en place des services permanents de surveillance et d'entretien jusqu'aux premiers jours des conflits armés de la Seconde Guerre mondiale. L'ancrage régional de cette étude permet d'appréhender la manière dont les directives émanant de l'administration nationale sont traduites et appliquées localement. La recherche croise ainsi plusieurs échelles d'analyse, depuis la compréhension de la mise en place d'un cadre institutionnel jusqu'à celle des pratiques concrètes de conservation et de restauration des édifices.